Printemps des poètes « poémons-nous »

En ces temps de confinement.. de classes virtuelles…de charge de travail conséquente, nous vous proposons de prendre un temps d’arrêt pour profiter…du printemps des poètes et poétesses ! Nous vous proposons de nous communiquer vos poèmes préférés. Ces vers, strophes qui vous accompagnent, vous ont accompagné.e.s, vous font du bien.

Je m’étais endormi la nuit près de la grève.

Un vent frais m’éveilla, je sortis de mon rêve,

J’ouvris les yeux, je vis l’étoile du matin.

Elle resplendissait au fond du ciel lointain

Dans sa blancheur molle, infinie et charmante.

Aquilon s’enfuyait emportant la tourmente.

L’astre éclatant changeait la nuée en duvet.

C’était une clarté qui pensait, qui vivait

Elle apaisait l’écueil où la vague déferle

On croyait voir une âme à travers une perle.

Il faisait nuit encor, l’ombre régnait en vain,

Le ciel s’illuminait d’un sourire divin.

La lueur argentait le haut du mât qui penche ;

Le navire était noir, mais la voile était blanche

Des goëlands debout sur un escarpement,

Attentifs, contemplaient l’étoile gravement

Comme un oiseau céleste et fait d’une étincelle

L’océan, qui ressemble au peuple, allait vers elle,

Et rugissant tout bas, la regardait briller,

Et semblait avoir peur de la faire envoler.

Un ineffable amour emplissait l’étendue.

L’herbe verte à mes pieds frissonnait éperdue,

Les oiseaux se parlaient dans les nids ; une fleur

Qui s’éveillait me dit -. c’est l’étoile ma soeur.

Et pendant qu’à longs plis l’ombre levait son voile,

J’entendis une voix qui venait de l’étoile

Et qui disait : Je suis l’astre qui vient d’abord.

Je suis celle qu’on croit dans la tombe et qui sort.

J’ai lui sur le Sina, j’ai lui sur le Taygète ;

Je suis le caillou d’or et de feu que Dieu jette,

Comme avec une fronde, au front noir de la nuit.

Je suis ce qui renaît quand un monde est détruit.

Ô nations ! je suis la poésie ardente.

J’ai brillé sur Moïse et j’ai brillé sur Dante.

Le lion océan est amoureux de moi.

J’arrive. Levez-vous, vertu, courage, foi !

Penseurs, esprits, montez sur la tour, sentinelles !

Paupières, ouvrez-vous, allumez-vous, prunelles,

Terre, émeus le sillon, vie, éveille le bruit,

Debout, vous qui dormez ! – car celui qui me suit,

Car celui qui m’envoie en avant la première,

C’est l’ange Liberté, c’est le géant Lumière !

Stella de Victor Hugo (1852)

Proposé par M Alan KELAI.