Egalité filles-garçons : une conférence à l’Iroise

Le 21 novembre 2019, la Cité scolaire de l’Iroise a accueilli Gaël Pasquier, sociologue, et Fanny Gallot, historienne, formateur et formatrice à l’INSPE de Créteil. L’événement a été le fruit d’un partenariat entre l’Iroise, l’atelier Canopé 29, la MGEN 29 et l’INSPE de Brest.

L’établissement est en effet investi depuis plusieurs années dans des actions autour de l’égalité filles garçons. Un groupe de réflexion a débouché sur la rédaction collective d’une charte pour faire vivre cette égalité au sein de la cité scolaire. Elle comprend 8 articles, dont l’invitation à organiser des temps de formation et de sensibilisation de toute la communauté éducative. Les enseignantes organisatrices l’ont souligné en préambule : le combat pour l’égalité des sexes et des sexualités reste à mener, comme nous le rappelle hélas tristement et régulièrement l’actualité.

Gaël Pasquier et Fanny Gallot ont participé à la conception d’un récent manuel, « Enseigner l’égalité filles-garçons », qui se veut une boîte à outils sur une question qui touche toutes les disciplines. Des supports variés y sont proposés : les mangas avec une réflexion autour du travestissement, des textes de littérature comme l’évolution de la figure de Médée à travers les siècles, des articles de journaux comme une dépêche AFP sur la grève des femmes en Espagne en 2018, des archives historiques … L‘ouvrage présente aussi des activités variées pour construire les savoirs d’expériences ou analyser les documents-supports.

L’objectif du travail est double : comprendre comment l’Ecole reproduit les inégalités entre les sexes et les sexualités et comment les enseignant.es y prennent part ; envisager comment les enseignant.es et les personnels éducatifs peuvent participer à la construction de l’égalité, à la lutte contre le sexisme et contre les discriminations avec lesquelles il s’enchevêtre (homophobie, transphobie, racisme …).

Le système du genre, est-il souligné, comprend 4 caractéristiques : c’est une construction sociale, un processus relationnel, une hiérarchisation par la société (qui valorise ou dévalorise actif / passif, extérieur / intérieur, public / privé), un rapport social qui s’enchevêtre avec d’autres rapports de domination (valide/non valide, hétérosexuel /homosexuel…). Il convient d’apprendre à repérer les inégalités que masquent les différences. Ce que Gaël Pasquier et Fanny Gallot appellent à mettre en œuvre, c’est une pédagogie critique de la norme (il s’agit d’être en amont de sa construction), non une pédagogie de la tolérance.

Il s’agit dès lors d’agir sur la division sexuée et inégalitaire du travail, de dénaturaliser la répartition des tâches domestiques qu’illustre l’exemple savoureux du barbecue, de saisir combien l’Ecole elle-même est une institution inégalitaire, où les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes fonctions, les mêmes rangs dans la hiérarchie, les mêmes salaires.

La notion de « curriculum caché » a été mise en avant dès les années 70 : elle englobe tout ce que l’Ecole transmet sans avoir l’intention de le faire, par un processus d’expérience, d’imprégnation, de familiarisation, d’inculcation diffuse.

Il faut en ce sens interroger la gestion de la classe. Par exemple questionner la place des filles et garçons dans la salle de cours, percevoir que les remarques sur l’apparence physique sont souvent réservées aux filles, que 80% des sanctions concernent les garçons. Les enseignant.es interagissent davantage avec les garçons, les interrogent plus longtemps, tolèrent davantage leurs prises de parole spontanées, leur laissent plus de temps pour répondre, interrogent les filles pour rappeler les savoirs appris et les garçons pour construire des savoirs nouveaux … Comment rééquilibrer ? Plusieurs pistes sont évoquées : réaliser des « bilans impressionnistes » (se demander à la fin du cours qui j’ai entendu s’exprimer), interroger alternativement fille et garçon, suivre l’ordre des rangées, noter qui prend la parole, faire appel à un observateur extérieur, associer les élèves à une répartition égalitaire de la parole en classe.

Il faut aussi interroger les supports d’apprentissage. Par exemple questionner avec les élèves les représentations véhiculées par la littérature de jeunesse et les manuels scolaires, mener des débats d’interprétation littéraires en entrant par les ressentis émotionnels. Il s’agit de comprendre comment les dominations s’enchevêtrent pour produire « l’intersectionnalité », dont plusieurs exemples sont proposés : une telle perspective conduit à remettre en cause certains préjugés. Par exemple, le rap est-il vraiment plus sexiste que la « chanson française » si on observe un texte comme celui de la chanson Melissa de Julien Clerc ?

Il faut enfin interroger les savoirs scolaires eux-mêmes. Par exemple s’interroger sur la répartition bisexuée que véhicule souvent l’Ecole et qui n’est pourtant pas physiologiquement universelle. Ou encore mettre en avant des figures homosexuelles, historiques ou littéraires, pour questionner l’hétéronormativité. Gaël Pasquier fait remarquer que jamais l’Education nationale n’évoque l’homosexualité, sinon pour appeler à combattre l’homophobie : serait-il donc impossible d’avoir de l’homosexualité une vision non négative ? serait-il envisageable d’en parler, non pas seulement en terme de discrimination et sur le mode du malheur, mais comme un horizon de vie possible ?

Des échanges intéressants et des applaudissements chaleureux sont venus saluer la clarté et la vigueur des propos, souligner l’importance des enjeux abordés.

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